Etape 31 : Refuge de Goriz - Col de Tentes
Mercredi 13 Juillet 2016
Etape 31 : Refuge de Goriz – Punta de las Escaleretas 3021m – Monte Perdido 3355m – lac glacé – Faja Luenga – Collado Millaris 2454m – Collado del Descargador 2494m – brèche de Roland – Refuge des Sarradets – Col des Sarradets 2589m – Col de Tentes 2207m
Nous voilà à l’aube d’une longue étape qui doit nous conduire au village de Gavarnie, terme de ce nouvel acte oh combien grandiose. Départ 7h13. Temps bien frais, coupe vent nécessaire, mais grand beau. Rien ne s’oppose donc à gravir le Monte Perdido, seigneur incontesté du plus grand massif calcaire des Pyrénées. Nous empruntons comme bon nombre de randonneurs la voie normale durant 25 minutes, jusqu’à trouver sur notre droite un couloir bien marqué qui quitte cette voie sur-fréquentée. Nous allons passer par une voie détournée mais nettement plus directe.
Lever de soleil sur le Cylindre du Marborè
Le couloir d’éboulis est vite gravi et nous place à l’aplomb d’un premier sommet ainsi que de celui du Mont Perdu. Il s’agit de franchir de nombreuses banquettes entre coupées de barres rocheuses. C’est un escalier géant d’où son nom littéral en espagnol : las Escaleras. Les passages les moins techniques sont indiqués par des cairns. L’escalade n’excède pas le niveau II+ mais comme souvent il est préférable de le passer à la montée qu’à la descente. Enfin la Punta de las Escaleretas est atteinte à 9h02 en 1h39. Le froid y est mordant, bonnet et gants obligatoires. Nous avons sur notre droite la face Ouest du Soum de Ramond dont les plissements sont vraiment spectaculaires. Ce n’est qu’une étape, un simple avant goût du sommet principal et il ne reste que 300 mètres de dénivelé.
Une nouvelle large banquette caillouteuse nous conduit au pied de la première cheminée. Un immense névé glacé en garde l’entrée. C’est dans la rimaye de celui-ci que mon GPS disparait brutalement. Pas question de l’abandonner sous ce glaçon géant, alors Yannick va s’employer activement pour récupérer ce bel outil parfois indispensable. Puis la cheminée est gravie sans encombre. Nouvelle banquette et nouvelle cheminée. Cette fois, le froid matinal a gelé toute l’eau de fonte qui a ruisselé durant la nuit. Dans la seconde cheminée il y a une corde à demeure, mais celle-ci est entièrement prise dans la glace. Et de la glace il y en a !
Malgré tout, l’usage de cette corde sera d’une grande aide pour gravir sans risque ce passage devenu complexe par la présence de la glace. Le final qui mène au sommet ne présente plus de difficulté. Le sommet du Mont Perdu est atteint à 10h24 après 2h49 d’efforts modérés.
Il y a peu de monde au sommet et on ne s’en plaindra pas. La météo est splendide sur toute l’Espagne visible depuis ce belvédère, et la vue porte vraiment loin vers le Sud. Une mer de nuages vient buter contre les hauteurs du cirque de Gavarnie, et la cascade de brume qui se déverse par la brèche de Roland vient se désagréger en Espagne. Malgré cette mer de nuages, le massif du Vignemale à l’Ouest est entièrement visible. Au Nord, seule la cime du Pic Long se trouve au dessus de la grisaille. C’est une victoire sur la météo maussade de la veille ; ce sommet vient récompenser le travail d’un tracé original que j’avais mis au point en collaboration avec Marc. Nous sommes heureux de le compter parmi nos plus belles ascensions. Voilà la troisième fois que je mets sous mes pieds le Mont Perdu et toujours par une voie différente.
On quitte enfin le sommet à 10h55 et on doit cramponner pour descendre les larges névés en versant Nord. La suite se passe dans le couloir bien en neige de l’Escupidera. On en profite pour observer devant nous le Cylindre du Marboré, l’autre 3300 local, afin d’envisager un retour par ses flancs, en restant sur les hauteurs du cirque.
On arrive au niveau du lac glacé, qui ne l’est plus d’ailleurs, pour quitter les crampons et descendre encore un peu dans une cuvette, avant de se lancer sur un des gradins du pic du Cylindre. Rien n’indique un quelconque passage dans ce dédale de roche, mais nous avons une trace GPS. Cette trace nous rend forts de déjouer tous les pièges à venir. Quelle erreur ! Rien ne remplace l’expérience qui nous fait défaut sur cette partie haute du cirque de Gavarnie. On va avancer, mais lentement, sur les névés fortement inclinés et les pentes de roches instables. Tout n’est que piège ! Nous perdons beaucoup trop de temps pour ne pratiquement pas progresser vers l’Ouest. Il y a trop de vires et trop d’impasses se terminant sur du vide, pour insister sans connaitre. Sommes-nous d’ailleurs sur le bon étage du cirque ? Certainement pas. Sagement, nous faisons demi-tour. On prend le repas à 13h05 à l’abri d’un vent terriblement froid, dans une cavité rocheuse, tel le comte Russel au Vignemale comme aux plus belles heures du Pyrénéisme. On repart sans trop trainer, à 13h35, car il reste encore beaucoup de chemin pour se rendre en France. On va prendre la direction du refuge de Goriz, mais comme il n’est pas question de perdre trop de dénivelé qu’il faudrait reprendre ensuite, on va appuyer notre marche sur la droite, en visant des banquettes herbeuses. Cette vire porte le nom de Faja Luenga. Entièrement faite de pelouse, cette large vire est un lieu de pâturage pour troupeaux d’ovins. D’ailleurs nous allons suivre une sente à moutons et quelques cairns qui confirment que nous sommes sur le bon itinéraire. Cela nous conduit juste au dessus du collado de Millaris à 15h27 en 6h16.
Collado de Millaris droit devant
Mont Perdu et collado de Goriz dans notre dos
Et par une traversée de niveau, nous voilà au collado del Descargador sans effort. On tâtonne alors pour trouver le passage qui conduit à la brèche de Roland. En effet sur notre gauche en contre bas, il y a un plateau désertique, sorte de lac desséché ; ce n’est pas par là. Sur notre droite la frontière, notre destination, mais toujours de hautes barres rocheuses. Il y a bien des cairns mais qui partent dans tous les sens, rien d’évident. Ce sera donc à tâtons que l’on perdra du dénivelé pour trouver l’entrée d’un vallon qui remonte à la brèche de Roland. Le brouillard venant de France nous masque cette faille pourtant clairement identifiable. Une fois à la base du vallon plus de doute, nous n’avons plus qu’à remonter un vague sentier entre le glacier rocheux et les névés gelés. Le froid du matin se fait à nouveau sentir, on active le pas.
Il est 17 heures quand nous franchissons la célèbre brèche. Le vent glacial y est trop violent pour rester un seul instant ; il nous chasse vigoureusement. Vu l’heure avancée de la journée, il n’est plus question de descendre jusqu’au village de Gavarnie, on se fera donc récupérer par Marc au col des Tentes. Descente rapide sur la neige jusqu’au refuge des Sarradets qui se trouve en travaux pour rénovation. Un chantier peu commun à cette altitude. Il est 17h29 quand nous arrivons au col des Sarradets, et voilà déjà 8h08 que l’on marche. C’est ici que l’on fera la pause qui s’impose. Je trouve du réseau pour envoyer un SMS à Marc afin de l’informer de notre retard et pour se faire récupérer au col de Tentes. Message reçu, nous n’avons plus qu’à nous y rendre au plus vite.
Le franchissement du torrent issu du glacier du Taillon se passe sans problème, c’était la dernière difficulté majeure de la journée.
Par un bon sentier, et l’esprit léger, on avance à grand pas vers le terme de ce nouvel acte Pyrénéen. Il y a encore une distance non négligeable, mais le terrain est roulant. Nous arrivons finalement au col de Tentes à 18h45 où Marc nous attend. Il nous confirme que la météo a été mauvaise sur la France durant les dernières 48 heures. Nous étions sur le bon versant du massif pour réussir l’essentiel de la journée, longue de 9h18 de marche. Cela conclut de belle manière cet Acte IV qui est sans conteste le plus difficile de tous, tant d’un point de vue technique que d’un point de vue physique. Nous venons certainement de terminer la partie la plus grandiose et la plus variée de la cordillère qui relie l’océan à la mer. Rien ne ressemble aux canyons du massif du Mont Perdu, comme rien ne ressemble au massif fracturé et aride des Posets. Le cirque de la Glére avait donné le ton le premier jour par sa prestance, le cirque de Gavarnie confirme cette majesté le dernier jour. C’est une réussite que nous devons en grande partie à la météo, mais aussi aux conseils et au dévouement de notre ami l’irremplaçable Marc. Cet acte à peine terminé que mon esprit s’échappe toujours plus vers l’Ouest pour imaginer ce que sera la suite.
Col de Tentes sous les nuages et vallée des Pouey Aspè depuis le glacier du Taillon
La journée en chiffres :
Temps de marche : 9h18 - Distance : 21km - Vitesse : 2,3 km/h
Dénivelé positif : 1860m - Dénivelé négatif : 1890m
Altitude maxi : 3355m - Altitude mini : 2162m
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