Etape 23 : Refugio de la Renclusa - Refuge de Vénasque
Vendredi 10 Juillet 2015
Etape 23 : Refuge de la Renclusa – portillon supérieur – glacier d’Aneto – collado de Coronas – Pic d’Aneto 3404 m - collado de Coronas - Ibon del Salterillo – Plan d’Aigualluts – Chemin du portillon – Port de Vénasque – refuge de Vénasque
Cette journée comprenant l’ascension du pic d’Aneto, ne peut être considérée comme une étape logique, mais plutôt comme un bonus, alors on va y ajouter la liaison jusqu’au refuge français de Vénasque pour avancer un peu vers l’Ouest. Il nous paraissait inconcevable de réaliser une traversée des Pyrénées, sans rendre visite au plus haut sommet de la chaine, le seigneur Aneto. Il est si rare de lui rendre visite, pour nous qui habitons vers l’Est de la chaine, que la tentation était trop grande de le gravir une nouvelle fois. Afin de mettre toute les chances de notre côté, on fait sonner le réveil à 5h mais nous ne sommes pas les seuls debout. On quitte le refuge de la Renclusa après le cortège des prétendants à l’Aneto ou la Maladeta, et il n’est que 5h50. Il ne fait pas froid, nous pouvons marcher légèrement vêtus. Alors on se lance dans une rapide course à la première place, on double rapidement de nombreux groupes et l’on se retrouve vite seuls pour monter enfin à notre rythme. Le sentier, bien que balisé de traces de peinture rouge, est un peu paumatoire. Il faut évoluer au milieu de blocs de roche plus ou moins gros, où chacun trouvera au mieux son propre cheminement. Le lever de soleil sur la Maladeta est un émerveillement de couleurs chaudes.
On arrive au portillon supérieur à 7h27 en ayant mis 1h36 d’ascension. Le sommet de l’Aneto se dévoile droit devant, imposant, immuable. Il n’y a personne devant nous, seul le glacier moribond, et au fond l’Aneto nous attend. Un petit vent frais souffle dans le portillon, alors on ne traine pas là et l’on s’engage dans le lit du glacier. La neige est loin du portillon ; c’est surprenant de voir un tel recul du glacier. L’été qui arrive va lui faire très mal. A dire vrai, au vu de l’état actuel, c’est plus un ensemble de névés disloqués qu’un glacier à proprement parler. Nous sommes des témoins privilégiés, avec regret, de la disparition d’un glacier mythique, le plus étendu des glaciers Pyrénéens. Dans un tel état, nous n’avons pas besoin d’utiliser nos crampons.
On rencontre un long passage, sans neige dans le lit du glacier, fort incommode dans de gros blocs de granit. Cela ressemble un peu au pierrier du côté de l’étang de Garrabéa, mais en moins stable ; qu’est-ce que l’on regrette vraiment l’absence de neige dans ce secteur !
Puis on retrouve enfin la partie haute du glacier jusqu’au col Coronas que nous atteignions à 8h50, en 2h44. A partir de là, la pente se redresse fortement, mais nous faisons le choix de ne pas utiliser les crampons, seul le piolet est nécessaire. Comme souvent à cette saison, la partie sommitale de ce sommet se parcourt sans neige. Au moment de se présenter au fameux Pas de Mahomet qui rebute un certain nombre de randonneurs, il y a un guide espagnol encordé avec son client qui nous devancent. Nous les suivons de près et à 9h25, après 3h18 de montée ininterrompue, nous avons le bonheur de fouler la plus haute cime de nos chères Pyrénées.
Le temps est superbe, pur, limpide, idéal pour faire de belles photos. La vue s’étend de la Pique d’Estats à l’Est jusqu’au pic de Néouvielle au Nord/Ouest. Le massif des Posets est tout proche, imposant lui aussi. Vers l’Est, c’est une forêt de sommets que l’on a vus les jours derniers nous dominer et qui sont à présent sous nos yeux en contre bas. Ils sont trop nombreux pour les identifier tous. Plus jamais dans toutes les Pyrénées nous ne pourrons monter aussi haut, alors on savoure ce plaisir simple, d’autant que les 2 espagnols ont déjà quitté le sommet. Nous sommes seuls à 3404 mètres en plein mois de juillet, et c’est si rare que l’on en profite un maximum. Les photos fusent, l’identification des sommets bat son plein et ce que je retiendrai de cet Acte III, ce sera le Mont Valier qui n’aura jamais quitté notre champ de vision depuis le premier jour. C’est bien le sommet phare de la partie Est de la cordillère.
Vue vers l'Ouest
Vue sur le glacier
Après s’être saoulé par cette vue sur 360 degrés, nous nous remettons en marche à 10h08, juste au moment où de nouveaux candidats au sommet se bousculent au départ du pont de Mahomet. On traverse la courte arête, nous reprenons nos bâtons et on plonge dans la descente. Cette fois, nous allons chausser les crampons, ce serait trop bête de chuter avec ces outils bien lourds dans nos sacs. On effectue la descente jusqu’au col Coronas et l’on pique plein Sud pour ne pas revenir sur nos pas. On pousse la marche légèrement sur la gauche afin d’aller chercher un petit étang, l’ibon del Salterillo par un cheminement en balcon.
On quitte les crampons quand les névés sont trop épars, ce qui coïncide avec l’apparition des premiers cairns. Nous venons de trouver le bon itinéraire qui nous espérions, ce qui évite de tomber trop tôt dans la vallée. Cet itinéraire est plus agréable que les blocs du glacier, et présente l’avantage d’ouvrir la vue sur une partie de la suite de la journée. A recommander pour faire une boucle. Nous passons au bord de l’ibon del Salterillo qui est en cours de comblement, et comme le glacier de l’Aneto, cet étang aura disparu en été dans quelques années hélas. Puis, à 12h30 à l’ombre d’un gros bloc de granit, on se pose pour le repas tant attendu par Yannick. Il faut dire que les grosses de tranches de pain imbibées de tomate et agrémentées de jambon de pays et chorizo fournies par le refuge, donnent vraiment envie. Cette halte ombragée alors que le soleil frappe fort est une bénédiction. Ces moments simples qui ponctuent nos journées font aussi partie du plaisir de la traversée.
Le temps de se prélasser un peu au son de l’harmonica et à 13h25 nous repartons pour la seconde moitié de journée. Nous suivons les cairns qui nous conduisent sans faille au sentier qui monte au col de la Renclusa. Tout est parfaitement balisé ensuite. Nous retrouvons le torrent qui descend du glacier et qui deviendra après son passage sous le « Trou du Toro », le fleuve Garonne lors de sa sortie de terre. On doit changer de rive et il n’y a aucune passerelle. Aujourd’hui, nous n’avons pas d’autre choix que de se déchausser pour garder les chaussures sèches.
Durant cet intermède, de jeunes espagnols viendront nous questionner sur le pic d‘Aneto et la difficulté présumée du pont de Mahomet. On sent déjà l’engouement pour ce sommet fascinant qui est au final l’un des plus faciles des hautes cimes Pyrénéennes. Une fois l’obstacle du torrent franchi, on suit le sentier qui passe au bord du « Trou du Toro ». C’est un vaste gouffre où se perdent les eaux des torrents de la fonte du glacier de l’Aneto. Puis par une piste nous arrivons au point le plus bas du jour en 6h37, le pied du port de Vénasque. Il est 14h55 quand nous engageons la montée qui conduit vers la France. C’est une copieuse montée de presque 500 mètres qu’il reste à avaler, mais le sentier est bien tracé. Il ne faut pas s’affoler, on a vu pire. A raison de nombreux lacets, nous arrivons sur un replat où le sentier se divise en deux parties, une pour le port de la Picade qui part à droite et notre itinéraire qui part légèrement à gauche. C’est l’occasion pour faire une dernière photo panoramique sur ce prestigieux massif de l’Aneto-Maladeta.
On grimpe avec moins d’entrain que ce matin les dernières rampes du col et à 16h29, nous arrivons à la brèche frontière. Cela fait 8h03 que l’on marche au moment où nous franchissons le port de Vénasque. C’est un passage historique entre les deux pays frontaliers, qui a vu passer selon les époques, marchands, réfugiés et touristes aujourd’hui. Il ne reste plus qu’à dévaler le sentier croulant du versant Nord pour arriver au bord des boums (lac en patois local) du port, puis au petit refuge de Vénasque. C’est chose faite à 16h58. Nous terminons là une journée de 8h24 de marche. Une journée parfaitement réussie, une de plus.
Nous sommes bien accueillis par le jeune couple de gardiens du refuge où nous faisons un point sur l’itinéraire du lendemain. Finalement ce sera une descente directe car beaucoup de route nous attendra à l’issu de la marche. Le refuge est déjà occupé par un groupe de Japonais avec qui nous partagerons le dortoir, et un groupe de Coréens qui dormiront dans une tente mess. Quelques français complètent les hôtes du refuge. Ils dormiront sous tente, car il y a sur-fréquentation en ce jour. Avant de passer à table, Yannick me lance le défi de se baigner dans l’étang. Nous ferons à tour de rôle une courte brasse dans cette eau bien glaciale mais le défi est validé. C’est la baignade du jour et on s’en contentera car il n’y a pas de douche au refuge. Le repas est servi à 19h30 à l’extérieur car il n’y a pas de réfectoire. Nous sommes dans un refuge atypique, si atypique qu’il y a même une jeune journaliste présente pour faire un article pour un hebdomadaire local. Ce sera champêtre et convivial. Le souper sera copieux et très bon, comme tous ceux que nous avons mangés. Chaque cuisinier apporte son savoir faire et le plaisir de manger est tous les jours renouvelé. A 21h30 chacun rentre dans son couchage, mais le sommeil sera long à venir car les Japonais seront bavards et ronfleurs. Les coutumes de savoir vivre ont été oubliées au pays du soleil devant.
La journée en chiffres :
Temps de marche : 8h24 - Distance : 20,6 km - Vitesse : 2,9 km/h
Dénivelé positif : 1795 m - Dénivelé négatif : 1669 m
Altitude maxi : 3404 m - Altitude mini : 1965 m
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