Etape 22 : Refuge de Conangles - Refuge de la Renclusa
Jeudi 9 Juillet 2015
Etape 22 : Refuge de Conangles – Hospital de Vielha – Pleta de Molières – Vall de Molières – Collado de Molières – Tuc de Molières – Plan d’Aigualluts – collado de la Renclusa – Refuge de la Renclusa
Le réveil sonne à 6h15 comme pour de nombreux randonneurs, et nous quittons ce charmant établissement à 7h22. Nous repartons par le sentier de la veille dans la forêt de hêtres. Le temps est doux et l’on profite de l’ombrage de la forêt pour avancer rapidement. Il ne faut que 20 minutes pour rejoindre l’Hospital de Vielha ; on traverse de très beaux champs fleuris d’une multitude de fleurs dont les plus spectaculaires sont les iris des Pyrénées. C’est un feu d’artifice de couleurs !
Le sentier qui part dans le vallon de Mullières est bien marqué et en ce matin tôt, se trouve encore à l’ombre. La montée réelle débute par une succession de cascades. Marc nous a dit de toujours garder les cascades sur notre gauche, donc avec cette consigne facile, on ne peut pas se tromper dans l’itinéraire. C’est donc par un cheminement facile que l’on arrive au refuge de Molières à 9h47 après 2h21 de montée.
C’est un joli refuge de type wagon, solidement haubané sur sa plate forme rocheuse. Il surplombe la partie de vallée que l’on vient de gravir. Son emplacement permet de couper l’ascension en deux jours par ce versant. On s’octroie une pause pour admirer longuement le paysage qui se trouvait jusqu’alors dans notre dos, dont une partie de l’itinéraire de la veille, et à 10h10 nous reprenons notre ascension. Le cheminement est bien moins évident à partir de là. Autant préciser qu’il n’y a plus de sentier, tout est minéral. Il y a des cairns mais ils se dispersent et ne donnent finalement pas d’informations précises sur le meilleur itinéraire à suivre. Heureusement qu’il n’y a pas de brouillard, sinon ce serait impossible d’évoluer dans un tel décor fait de barres rocheuses de toutes parts. Je comprends mieux les nombreuses recommandations des divers topos guides : en cas de brouillard, éviter cette étape.
En prenant de l’altitude, on trouve de longs névés et l’on découvre sur notre gauche des étangs semi-gelés. Cela démontre que l’on se trouve dans une partie du massif où les glaciers ont disparu depuis peu, à l’échelle humaine. Cette partie d’ascension nous parait difficile par l’orientation et elle est rendue encore plus pénible par un soleil implacable ainsi que l’absence de vent pour nous rafraichir. Nous croisons un coureur qui descend accompagné d’un chien, et leurs traces dans les névés seront une aide inespérée. Enfin, on finit par atteindre une courte cheminée qui sort sur la crête puis au collado de Molières. Que ce fut dur !
Techniquement ce passage peut en repousser plus d’un, à moins que nous n’ayons pas trouvé la cheminée la plus simple, car finalement, toutes les brèches mènent de façon plus ou moins directe au col. Nous avons mis exactement 4 heures pour franchir le col ; il est 11h53. La crête qui conduit au sommet est très facile et le point culminant du Tuc de Molières est atteint à 12h06 pour 4h13 de montée continue. Nous y voilà, à la frontière géographique entre la Catalogne et l’Aragon, à 3010 mètres au dessus de la mer. La vue que dispense ce sommet est immense ; ça valait bien quelques efforts. Il n’y a pas un nuage sur toute l’Espagne, seule une mer de nuages nous masque la plaine française du Luchonnais au Comminges. Le pic d’Aneto tout proche, à un jet de pierre, est majestueux, imposant avec ses nombreuses crêtes des Tempêtes ou des Salenques. Il nous attend pour une visite qui aura lieu dans 24 heures.
Vue du vallon que l'on vient de remonter
Depuis le temps qu’on le fixe jour après jour, tel un phare dans cette mer de pics, il est à moins d’une journée de marche, tout proche, si proche, si beau. Avec des conditions météorologiques aussi idéales, nous décidons de prendre le repas sur place, d’autant plus que nous sommes seuls et que le soleil ne nous écrase pas. Nous ne pouvions rêver mieux. Cette pause à la mi-journée est vraiment un grand moment que nous offre la traversée. Pratiquement 2 heures seuls à 3000 mètres, un pur bonheur. Un vautour fauve va même venir voler au dessus de nous jusqu’à nous frôler. Quel spectacle ! On ne se lasse jamais de voir glisser dans l’air ces grands planeurs, d’autant que les récits de parapente de Yannick sont toujours remplis de vautours qui enroulent avec une aisance incomparable les thermiques invisibles que tous recherchent. Durant la pause, quelques randonneurs espagnols arrivent au sommet par la vallée de l’Escaleta, notre itinéraire à suivre, mais chacun restant à l’écart pour respecter le calme de tous.
On quitte ce somptueux belvédère à 14h précises en engageant la descente vers le Nord/Ouest. Cette partie de notre cheminement est parfaitement évidente, bien plus que le cheminement de la montée. Là encore il y a des cairns et cette fois ils sont bien placés. On descend dans l’ancien lit d’un glacier suspendu qui a façonné les dalles sous nos pieds ; c’est magnifique, entièrement poli, mais avec une bonne accroche pour nos semelles. Un plaisir que d’évoluer là-dessus.
Puis arrive un passage un peu moins évident à l’approche d’un premier étang sans nom, car un névé gelé extrêmement pentu barre le sentier. Piolet au poing, crampons aux pieds, cet obstacle est aussitôt effacé, mais les difficultés ne sont pas terminées pour autant. Entre les ibones (étangs en espagnol) de l’Escaleta et le bas de la vallée, quelques passages vont demander d’employer les mains pour passer sereinement. On ne doit pas s’en rendre compte à la montée, mais dans notre sens cela surprend un peu.
Le bas de cette vallée suspendue débouche au plan d’Aigualluts, sorte de grande prairie traversée par un cours d’eau qui prend sa source sous le glacier de l’Aneto. C’est une sorte d’ancien lac disparu au profit de pelouses, mais où coule toujours le torrent qui l’alimentait jadis. Il n’y a pas de passerelle pour changer de rive, mais nous trouvons des passages où le torrent est peu profond et la membrane gore tex de nos chaussures fera le reste pour garder les pieds bien secs. On trouve immédiatement le sentier balisé menant au refuge de la Renclusa. Il s’agit de remonter un col surplombant le refuge.
Il est toujours difficile de remettre la machine à monter en marche, après une si longue descente. En effet, nous avons perdu pratiquement 1000 mètres et il s’agit de remonter presque 300 mètres sous le soleil. Dur dur ! Mais les marmottes qui occupent les abords du sentier vont nous distraire suffisamment pour nous faire oublier que ça grimpe raide. Ce petit passage est fort joli, agrémenté de nombreux pins à crochets que nous avions perdus depuis les rives du Lac de Mar. Nous arrivons enfin au célèbre refuge de La Renclusa à 17h34, une heure plus que raisonnable, après 7h42 de marche effective. Nous sommes heureux de terminer rapidement cette étape, considérée comme une classique dans la traversée des Pyrénées, estimée en 8h30. Cela nous laisse le temps de prendre une douche chaude gratuite, ce qui est rare, et faire un peu de lessive pour Yannick. Une vraie ménagère le frérot ! Yannick découvre le refuge qui a été magnifiquement rénové depuis son dernier passage lorsque nous étions adolescents. Aujourd’hui, tout le confort moderne est présent, et l’immense dortoir sous les combles que nous avions côtoyé jadis est avantageusement remplacé par des box pour 8 personnes. Le parfum des expéditions d’antan a disparu, mais le confort est appréciable pour un bon repos réparateur.
Le repas est servi à 19 heures dans le grand réfectoire. Là, le service se fait par groupe de réservation, c'est-à-dire que nous mangeons en tête à tête avec Yannick comme la plupart des autres hôtes du refuge. C’est plus intime mais il n’y a pas de partage. Le repas est vraiment copieux, comme toujours depuis notre départ. La soupe suffirait à elle seule à nous rassasier, mais il y a encore un grand plat de viande et un plat de légumes. Ce sera parfait pour recharger notre organisme car la journée du lendemain sera autrement plus rude. Nous partons nous coucher à 21h30, la nuit sera courte car un départ matinal s’impose pour ne pas manquer notre rendez-vous avec le toit des Pyrénées.
La journée en chiffres :
Temps de marche : 7h42 - Distance : 19,4 km - Vitesse : 3 km/h
Dénivelé positif : 1690 m - Dénivelé négatif : 1135 m
Altitude maxi : 3010 m - Altitude mini : 1555 m
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