Etape 27 : Refuge d'Estos - Refugio de Viados
Samedi 9 Juillet 2016
Etape 27 : Refuge d’Estos – vallon de la Paùl – collado de la Paùl – collado de la Diente – pic des Posets 3375m – Canal de Llardana – Refuge de Viados
Les Posets, avec leurs 3375 mètres d’altitude, occupent la deuxième place dans la chaîne pyrénéenne, après l’Aneto. Lorsqu’on contemple les gigantesques plissements calcaires, ces remarquables convulsions géologiques, on comprend alors les forces prodigieuses qui furent mises en action pour façonner un tel massif. On ne peut que rester admiratif et se sentir bien petit devant de telles forces. Puisque la météo est au beau fixe, il nous semblait inconcevable de ne pas gravir ce seigneur Pyrénéens, roi parmi les rois en Aragon.
Dés 5 heures, les Espagnols bruyants commencent à s’agiter sans retenue. Impossible de retrouver le sommeil, alors à 5h45 je quitte le dortoir. Yannick dort profondément malgré tout ce vacarme. Le ciel bleu est déjà installé sur la vallée si bien que la décision de gravir les Posets est vite prise. Le réveil de Yannick sera long mais ne nous retardera finalement pas. A 7h15, nous quittons le refuge par le sentier à l’arrière du bâtiment. On y accède depuis les escaliers de la terrasse. Nous ne sommes pas les premiers visiblement à prendre cette direction. Après le franchissement du rio Estòs par une passerelle, le sentier prend doucement de la hauteur dans des prairies très fleuries. Il est agréable d’évoluer à l’ombre dans un lieu si coloré ; à l’occasion d’une pause, nous allons même trouver par inadvertance les premiers edelweiss.
Lys Saint Bruno
Edelweiss
En entrant dans le vallon suspendu de la Paùl, le terrain devient subitement plus rocailleux. Un parfum de haute montagne s'invite alors. La présence de longs névés sera d’une grande aide pour avancer plus vite sur ce terrain qui devient de plus en plus instable. Vers 10 heures, nous attaquons les gros sandwichs fournis par le refuge afin l’alléger un peu le sac et alourdir un peu nos estomacs. Le premier col du jour est tout proche et à 10h27, les 3034 mètres du Collado de la Paùl sont franchis après 2h42 de bonne marche. Le site de l’ancien glacier des Posets est admirable, ce qui contraste avec l’imposante face Est du Posets. Bien des questions nous viennent alors à l’esprit pour poursuivre la suite de la journée. Doit-on gravir l’arête composée de rochers pourris qui débute au col, alors même que nous n’avons pas de casque ? Où se trouve la cheminée de la face Est dont parlent de nombreux topos ? Comment contourner cette muraille de plus de 300 mètres de hauteurs pour se hisser à sa cime ?
Vallon suspendu de la Paùl
Collado de la Paùl
Maladeta et Aneto depuis le collado de la Paùl
Pour le moment, nous allons au plus direct chercher une crête facile mais qui nous conduit immédiatement dans une brèche infranchissable. Demi-tour sur nos pas et l’on va à la rencontre d’espagnols pour chercher des informations, mais ils semblent encore plus déroutés que nous. Même le GPS n’est d’aucun secours. Allez, on sort la carte, l’altimètre et la bonne vielle logique. La carte ne confirme pas la valeur de l’altimètre, donc c’est la logique et la lecture du terrain qui vont nous conduire dans ce dédale de roche, entre coupé de barres rocheuses. Nous devons trouver un passage pour rejoindre la voie normale qui arrive du refuge Angel Orus. Le terrain est fait de blocs de roche totalement instables ; tout s’écroule sous chacun de nos pas. On ne peut faire confiance à aucun bloc, pas même les plus gros de plusieurs centaines de kilos. C’est un enfer que d’évoluer en dévers sur un tel terrain croulant. Et c’est aussi un petit miracle que nous ne perdions pas une cheville. Il n’y a aucun cairn, aucune indication fiable. Il fait beau temps et nous semblons incapables de trouver la sortie, qu’en serait-il par temps de brouillard ? A force de supputation sur l’endroit où se trouve la brèche à franchir, nous finissons par la trouver. Quel soulagement ! Plus de doute en voyant le nombre impressionnant des prétendants au sommet qui se croisent dans cet accès facile. Il était temps de retrouver des certitudes.
C'est là dedans que ça se passe
Il y a un grand couloir tout en neige dure dont la trace du matin va nous éviter de chausser les crampons. Le couloir se termine au col de la la Diente à 3017 mètres, sous l’impressionnante Diente de Llardana. C’est ici, à 13h23 après 5h10 d’efforts, que nous prendrons notre repas ; il était temps. C’est la première pause à la mi-journée la plus appréciée depuis notre départ. Ce passage chronophage nous a mis à l’épreuve du terrain et de la patience, mais force est de constater qu’avec Yannick l’entente est toujours parfaite ; notre duo se joue habillement des difficultés.
La Diente de Llardana
On repart à 13h55 pour gravir les ultimes 300 mètres qui nous séparent du sommet. De toute évidence, cette voie est d’une facilité déconcertante, ce qui explique le nombre incroyablement élevé de randonneurs espagnols mal chaussés qui empruntent cet accès. Le second plus haut sommet des Pyrénées est atteint à 14h39, et cela nous aura demandé 5h54 d’effort, ce n'est pas un vain mot. Il y a beaucoup de monde ce qui gâche un peu ce moment, mais la vue est au rendez-vous. Panorama immense. Vers l’Est on voit distinctement le massif Aneto/Maladeta, tous les hauts sommets frontaliers du Luchonnais ; pas une ombre ne vient contrarier le paysage. Il en est autrement vers l’Ouest où la Punta Suelza est déjà sous les nuages, et nous ne pouvons que deviner le massif du Mont Perdu dans le lointain. Le pic de Néouvielle et le pic du Midi de Bigorre au Nord viennent compléter ce tour d’horizon.
Panorama vers l'Est
Pic de Néouvielle
Punta Suelza à gauche, Punta Fuelsa à droite
Tout en bas les granges de Viados, plus proche le glacier mourant de Llardana
Pic de Bachimala au fond
On quitte le sommet à 14h55 par une arête peu technique mais plutôt vertigineuse. Il est vivement conseillé d'avoir le pied sûr. Nous laissons cette arête au niveau d’un col, pour basculer versant Ouest, direction Viados. Cette partie de l’itinéraire est clairement balisée par des cairns permettant d’éviter les nombreux barrancos et autres dalles lisses qui ponctuent la partie haute du massif. Malgré un rythme soutenu, cette descente semble ne jamais finir. Yannick fait parler sa technique de tailer tandis que je me traîne péniblement derrière. Avec la perte de dénivelé, nous trouvons un bout de forêt et par un bon sentier on débouche sur les granges de Viados. Viados est un site incomparable dominé de toute sa grandeur par le Posets. C’est du fond de cette vallée que l’on prend toute la mesure de cet imposant massif qui nous domine de près de 1600 mètres.
Lorsque nous arrivons au refuge à 18 heures, notre ami Marc s’y trouve déjà et nous reçoit avec un plaisir partagé. Nous mettons ainsi un terme à une journée longue de 9 heures de marche. Le repas étant servit à 20h30, cela nous laisse le temps de prendre une douche chaude et illimitée pour seulement 2€, et ainsi faire une lessive indispensable. Enfin une bonne bière, récompense suprême d’une rude journée. Le repas dans le réfectoire est bruyant comme savent l’être les Espagnols, mais en contre partie, nous aurons une chambre pour nous 3 où le repos pris ne sera pas vain. Le jour prochain sera à nouveau sous le signe du ciel bleu ; nous n’en attendons pas moins.
La journée en chiffres :
Temps de marche : 9h00 - Distance : 20,6 km - Vitesse : 2,7 km/h
Dénivelé positif : 1822m - Dénivelé négatif : 2006m
Altitude maxi : 3375m - Altitude mini : 1805m
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