Etape 14 : Refuge de Vallferrera - Refuge du Pinet
Mardi 29 juillet 2014
Etape 14 : Refuge de Vallferrera – Estany de Sutllo - Port de Sutllo (2884m) – Etang du Montcalm - Refuge de l'étang du Pinet
Etape considérée comme neutre en termes de progression vers l’Ouest, puisque étant totalement orientée Sud – Nord, elle devait nous offrir pas moins de 4 sommets à plus de 3000m. J’en avais rêvé. C’est d’ailleurs autour de cette étape que j’avais composé cet Acte 2. Hélas ! Elle devait nous permettre de gravir les premiers sommets de plus de 3000m, à condition que la météo soit favorable, or ce n’est pas le cas en ce jour. Le ciel est gris, le plafond est bas, et une pluie fine tombe inlassablement. J’ai passé une bonne nuit, je dors de mieux en mieux, et j’ai même eu bien chaud ; ça c’est le côté positif, car il faut rester positif envers et contre les éléments.
Nous quittons tranquillement le refuge à 9h05 en remontant l’unique sentier ; pour une fois, le départ est facile à trouver. Le sentier est dallé pratiquement jusqu’au croisement menant au port de Roumazet. Nous montons doucement alors que la pluie cesse et nous offre enfin une vue dégagée sur le Vall Ferrera. Tout en poursuivant la montée qui doit nous conduire au col frontalier, la pluie a définitivement disparu et l’on se met à rêver d’une belle journée.
Pourtant tous les sommets sont enveloppés d’une épaisse couche de nuages. La vallée que l’on remonte est vraiment belle, avec un torrent bouillonnant d’écume blanche, telle une rivière de lait. L’eau coule ici de toute part, le sol en regorge ; il n’arrive plus à l’absorber, c’est détrempé.
Pla de la Sobauca
La montée se passe sans difficulté jusqu’au premier étang nommée l’Estany de Sutllo.
Le franchissement du torrent, par l’intermédiaire d’une passerelle brisée, est un moment particulièrement intense. C’est à ce moment précisément qu’il va faire le plus beau, le ciel s’ouvrant par endroit pour laisser des belles tâches bleues dans ce ciel laiteux.
Pic de PedresBlanques à droite, Pic de Baborte à gauche(2929m)
On finit par atteindre le dernier étang, l’Estany d’Estats à 12h22, alors que la neige commence à tomber fortement. Comme nous sommes sous le col, à la limite du monde végétal des pelouses, et celui du monde minéral des éboulis, nous allons prendre ici même et sans abri, notre repas de midi. Nous avalons rapidement sous cette tempête de neige le super pique-nique fourni par le refuge (sachet de fruits secs, sandwich au chorizo, jus de pêche, barre de céréales), et à 12h38, nous repartons à l’assaut du col. Nous sommes en versant Sud, et les conditions sont hivernales. Mais que nous réserve le versant Nord ? Il y a un peu plus de 10cm de neige fraîche au sol à partir de 2500m. Cela recouvre l’immense pierrier qui mène au col. Nous ne sommes pas gênés par cette neige récente, et on louvoie jusqu’à trouver un immense névé.
Estany d'Estats vu depuis la montée au col
Il faut une bonne dose d’obstination pour franchir le col, tant les conditions sont difficiles. L’addition de la neige, du vent et de l’altitude donne une somme de difficultés majeures. Connaissant le passage, je navigue facilement dans ce brouillard dense, jusqu’à atteindre le port de Sutllo(2884m) à 14h05 C’est un moment d’anthologie que de franchir cette frontière virtuelle dans de telles conditions. Enfin, ça c’est fait ! Nous revoilà en France dans un vent fort et froid. Juste le temps d’une photo pour immortaliser ce court instant, et l’on bascule versant Nord.
Tous les sommets sont inaccessibles dans ces conditions quasiment hivernales. Le rendez-vous tant attendu avec les « 3000 » n’aura pas lieu cette fois. Le massif est entièrement blanc des accumulations de l’hiver, alors nous ne ferons que passer. Pourtant, nous ne sommes pas tirés d’affaire pour autant, car la température est proche de -3°C, et la visibilité est nulle.
Je sais qu’il ne faut pas se laisser aspirer par la descente trop facile vers les Etangs de la Caumette d’Estats, mais qu’il faut rester bien à droite, le long des barres rocheuses qui soutiennent le Pic Verdaguer. Yannick chausse les crampons pour faire une trace, moi non car je suis trop long et je crains d’attraper un froid aux mains pour plusieurs heures. Dans ce brouillard, qu’est-ce qui ressemble plus à une barre rocheuse qu’une autre barre rocheuse ? C’est « paumatoire » au possible.
Nous allons par erreur nous bloquer dans un passage rocheux, et seul le GPS nous indiquera où se trouve la sortie. Alors que nous remontons en direction du carrefour desservant le sommet du Montcalm et celui de l’Estats, deux silhouettes apparaissent, comme sorties du néant. C’est un couple d’Allemands ou Autrichiens qui descendent de la Pique d’Estats et nous indiquent la direction à suivre par des grands : « ALORS ! ». C’est aussi amusant qu’inattendu. Ils sont parfaitement équipés pour les sommets, mais pas nous. De plus, monter ne nous apporterait rien, alors on se quitte puisqu’ils partent dans la direction d’où nous venons, et nous passons le point le plus haut du jour à 2910m, pour basculer vers la descente qui conduit au refuge du Pinet.
Je me remémore combien de difficultés j’avais eu cet hiver, au même endroit, pour aller plus haut, tant la fatigue avait eu raison de mon corps. Il faut croire que c’est ce point critique qui décide qui va au sommet et qui renonce. Mais à présent, il ne s’agit que de descendre. Malgré le brouillard et la grande quantité de neige, la suite du parcours est plutôt facile.
Nous retrouvons Mehdi au dessus de l’étang du Montcalm, vers 15h20. Nous sommes heureux de le retrouver en pleine forme et l’on se raconte longuement la dure journée de la veille, et les conditions qui furent les nôtres des deux cotés de la frontière. L’étang du Montcalm ainsi que celui d’Estats sont encore recouverts de gros blocs de glace qui flottent tels des icebergs de l’Antarctique ; c’est assez rare à ce moment de l’année pour être souligné.
Etang du Montcalm
Etang d'Estats
Puis arrive la longue traversée qui surplombe le torrent issu du déversoir de l’étang d’Estats. Il y a trois longs névés encore bien consistants et partiellement gelés. Il n’est pas prudent de s’y aventurer dessus sans un piolet en main. Une fois franchi, plus aucune difficulté ne nous oppose de résistance pour rejoindre le refuge de l’Etang du Pinet.
Nous y arrivons alors à 17h22. Quelle journée ! Le truculent gardien, Patrick, nous accueille avec sa bonne humeur joviale. Il nous installe dans le dortoir nommé Sutllo, quel drôle de clin d’œil ! Après nous être détendus et réchauffés, c’est devant un verre de kir que nous attendons le repas. Le souper nous est servi à 19h30, et quel repas ! Une soupe de légumes à volonté, pour débuter ; nous allons assécher 3 grosses soupières à 9 personnes. Puis arrivent deux énormes plats de pâtes aux lentilles, assorties de saucisses grillées. Là encore il y aura du supplément. Mais comme Patrick a le sens de l’accueil, il va rajouter un grand plat de cassoulet à la saucisse. Nous allons manger comme des ogres, et malgré cela, il y aura des restes. La crème à la vanille qui conclut ce festin est presque de trop. Quelle soirée mémorable ! La traversée, nous offre parfois des surprises aussi inattendues qu’inoubliables. Un grand merci au gardien Patrick si atypique, mais tellement attachant. Vers 21h30, nous montons nous coucher pour une bonne nuit réparatrice.
La journée en chiffres :
Temps de marche : 6h59 - Distance : 18,2 km - Vitesse : 3,5 km/h
Dénivelé positif : 1254 m - Dénivelé négatif : 977 m
Altitude maxi : 2917 m - Altitude mini : 1940 m
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